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ET LES NORMANDS DEVINRENT FRANÇAIS
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| En 1204, la Normandie changea de destin. Depuis près de 140 ans, elle formait avec l’Angleterre un ensemble puissant et original, né de la conquête de l'île par Guillaume le Conquérant. Les Normands vivaient alors dans un duché florissant, dirigé par une noblesse qui possédait souvent des terres des deux côtés de la Manche. Les échanges entre Rouen et Londres étaient constants, les ports normands grouillaient d’activité, et le duché bénéficiait d’une solide organisation judiciaire et administrative, relativement autonome. La langue des élites mêlait le normand, le français et le latin ; la culture était marquée par ce va-et-vient entre deux rives, entre deux royaumes.
La perte de Château-Gaillard, un coup fatal...
Mais tout bascula lorsque le roi de France, Philippe Auguste, profita des faiblesses de Jean sans Terre, héritier du trône anglais, pour s'emparer de la Normandie. En quelques mois, les grandes forteresses tombèrent, et les villes se soumirent les unes après les autres. Cette annexion, bien que militaire et politique, eut des conséquences profondes sur la vie quotidienne des habitants. Les seigneurs anglo-normands, qui refusaient de reconnaître l’autorité du roi de France, furent déchus de leurs fiefs ou contraints à l’exil. Le tissu nobiliaire en fut largement bouleversé, redistribuant le pouvoir local au profit des fidèles du roi capétien.
Dans les villes, les marchands et artisans perdirent peu à peu leurs privilèges commerciaux avec l’Angleterre. Là où l’on exportait naguère vers les marchés londoniens, il fallut désormais composer avec de nouveaux circuits, de nouvelles taxes, et parfois un certain isolement. Les liens naturels entre les deux rives s'effilochèrent, comme un pont rompu. Le clergé, pour sa part, s’adapta plus aisément. Il conserva ses terres et ses privilèges, mais vit grandir l’autorité royale dans la collecte des impôts et l’encadrement des diocèses.
La vie des paysans, elle, ne connut pas de bouleversement spectaculaire. Les seigneurs changeaient parfois, mais les tâches restaient les mêmes : cultiver, payer, survivre. Toutefois, la main du roi de France se faisait plus présente, notamment par l’intermédiaire des baillis, ses représentants, qui surveillaient la justice, les finances et l’ordre public dans les campagnes comme dans les villes.
La Normandie perdit ainsi une partie de son identité d’entre-deux-mondes. En rejoignant le domaine royal, elle entra dans une France plus centralisée, plus uniformisante. Les coutumes locales durèrent encore, mais le pouvoir monarchique les encadra, les surveilla, les adapta. La langue française, peu à peu, domina les actes officiels. La Normandie devint une province du royaume, non plus un pont entre deux couronnes. Ce changement, brutal en apparence, s'inscrivit dans une lente mutation des esprits, des loyautés et des habitudes. L’histoire avait changé de camp, et avec elle, la vie des Normands.
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