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NON ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER
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| Voilà, c'est fait, mon cardiologue prend sa retraite et je n'en trouve aucun autre avec mon lourd traitement et mes problèmes cardiaques fréquents. Alors je fais quoi ? J'attends un nouvel épisode pour accéder au service via les urgences, je me résigne à crever chez moi sur pied ? Je plains Sarkozy pour ses déboires judiciaires ou je porte plainte contre l'Etat ?

La crise de l’accès aux soins, notamment spécialisés, frappe durement de nombreuses régions de France. Si la Bretagne est souvent citée en exemple, de nombreuses autres zones, telles que la Normandie, l’Auvergne-Rhône-Alpes, le Centre-Val de Loire ou encore certaines parties de la Provence-Alpes-Côte d'Azur, connaissent des difficultés similaires. Cette situation résulte en grande partie d'une politique de santé publique qui a longtemps ignoré l'évolution démographique et les besoins territoriaux. Le mal est profond, et il est urgent de remettre en question certaines décisions politiques, comme le numerus clausus, qui ont accéléré cette crise.
Le numerus clausus, un héritage problématique
Le numerus clausus, instauré dans les années 1970 et réformé sous Nicolas Sarkozy en 2004, avait pour objectif de limiter le nombre de médecins formés chaque année. L’idée sous-jacente était de limiter les dépenses de santé et de contrôler l’augmentation du nombre de praticiens. Ce système a bien fonctionné sur le court terme, mais sur le long terme, il a engendré une pénurie chronique de médecins, qui se fait aujourd'hui cruellement sentir.
En 2004, avec la réforme de Sarkozy, les places en médecine ont été réduites. Si les places disponibles pour les étudiants en médecine ont été augmentées récemment, les effets de cette politique sont encore largement ressentis, notamment à cause du nombre important de départs à la retraite et du vieillissement de la population médicale.
Aujourd'hui, la France manque de médecins généralistes et spécialistes, ce qui a des répercussions graves pour l'accès aux soins dans certaines régions.
Des chiffres alarmants : les cardiologues en première ligne
Prenons l'exemple des cardiologues, l'une des spécialités les plus touchées. Selon la DREES, le nombre de cardiologues a baissé de 16 % entre 2008 et 2018. Aujourd'hui, il y a environ 4 200 cardiologues pour 67 millions d'habitants en France, une densité insuffisante pour faire face aux besoins croissants de la population.
Les zones rurales et les petites villes sont particulièrement mal loties. En Normandie, par exemple, plusieurs départements (comme l'Orne ou la Manche) comptent un nombre de cardiologues bien inférieur à la moyenne nationale, avec des délais d'attente parfois supérieurs à un an pour obtenir une consultation. En Bretagne, bien que certaines zones bénéficient de structures comme les maisons de santé, l’accès aux cardiologues reste problématique. Quant à la région Auvergne-Rhône-Alpes, elle souffre d'un manque de praticiens dans des villes comme Saint-Étienne, où les délais d’attente peuvent atteindre deux ans pour voir un spécialiste.
Les conséquences pour les patients sont dramatiques : de nombreuses personnes, en particulier les plus âgées ou celles souffrant de pathologies cardiaques graves, sont condamnées à attendre des mois, voire des années, pour consulter un cardiologue. Entre-temps, le suivi de leur traitement s'avère souvent insuffisant, augmentant le risque de complications.
Des professions en souffrance : le cas des dentistes
La crise de l’accès aux soins ne se limite pas aux médecins. Les dentistes, eux aussi, manquent cruellement dans certaines régions. Selon l'Ordre des chirurgiens-dentistes, 3 millions de Français vivent dans des zones où il n'y a pas de cabinet dentaire accessible à moins de 30 minutes. Cette situation touche en particulier les zones rurales et les petites villes.
En Normandie, des départements comme l'Eure ou la Seine-Maritime sont confrontés à des pénuries de dentistes, ce qui oblige parfois les habitants à se déplacer sur de longues distances. Les jeunes praticiens, pour la plupart, préfèrent s'installer dans les grandes agglomérations, où les rémunérations sont plus élevées et les conditions de travail plus attractives. Cela accentue la fracture entre les zones urbaines et rurales, avec des patients contraints de faire plusieurs heures de route pour se faire soigner.
Une crise qui touche toutes les régions
Si certaines régions comme la Bretagne et la Normandie sont particulièrement affectées par la désertification médicale, d'autres territoires subissent des conséquences tout aussi graves.
Le Centre-Val de Loire, par exemple, présente une densité médicale particulièrement faible. Dans des départements comme l’Indre-et-Loire ou le Cher, les délais de prise en charge sont parfois insupportables pour les patients qui ne peuvent pas attendre des mois pour des soins spécialisés.
Les Alpes-Maritimes, pourtant une région dynamique et prospère, sont touchées par une pénurie de cardiologues et de spécialistes en soins de santé. Les habitants doivent parfois se tourner vers des hôpitaux à Nice ou à Marseille, augmentant d'autant le délai d'attente et la pression sur les services de santé.
La Corse, avec sa faible densité de population et son manque d'attractivité pour les jeunes médecins, se retrouve dans une situation similaire, où l'accès aux soins, même de base, est limité.
Les autochtones et les nouveaux arrivants : des inégalités croissantes
La désertification médicale frappe d’abord les populations locales, notamment les personnes âgées, les jeunes et les personnes à faibles revenus. Mais elle touche également les nouveaux arrivants dans certaines régions. Ceux qui, attirés par une meilleure qualité de vie, décident de s'installer dans des territoires plus ruraux se retrouvent souvent sans solution de soins adéquate.
En Bretagne, par exemple, les retraités venant s’installer au bord de la mer ou dans des zones rurales se heurtent à une réalité bien différente de celle qu’ils imaginaient. Là où ils pensaient trouver des soins de proximité, ils se retrouvent souvent à devoir patienter des mois avant d'obtenir un rendez-vous, ou à devoir se déplacer vers des villes plus grandes.
Cette fracture géographique n'épargne personne. De plus, l’arrivée massive de nouveaux habitants dans certaines zones rurales (souvent en raison du télétravail) a aggravé la pression sur un système déjà sous-dimensionné. La situation est particulièrement tendue dans des régions comme la Normandie, où le manque de médecins est encore plus prononcé dans les zones littorales.
Dans ce marasme, Paris est mieux doté que la plupart des territoires français, notamment en matière d’offre, de diversité et de qualité des soins. Même si cela ne garantit pas un accès équitable pour tous les Parisiens, en raison des inégalités sociales, géographiques, et économiques internes à la capitale.
Une responsabilité collective : vers la justice ?
La question de la responsabilité des autorités face à cette situation est désormais sur la table. En cas de défaillance du suivi médical, comme dans le cas d’un accident cardiaque ou d’une pathologie aggravée par le manque de suivi, la responsabilité des institutions de santé et des pouvoirs publics pourrait être engagée.
Si un patient subit un accident cardiaque en raison d’un défaut de suivi médical dans une zone à faible densité de cardiologues, les autorités pourraient se voir tenues responsables sur le plan juridique. En effet, la non-assistance à personne en danger, dans le contexte de l’obligation d’accès aux soins, pourrait être invoquée, si les patients n’ont pas eu la possibilité de consulter dans des délais raisonnables.
Solutions : une prise de conscience urgente
La solution à la crise de la désertification médicale est politique et doit impérativement passer par une refonte du système de formation et de distribution des médecins. Voici quelques pistes :
Augmenter le nombre de places en faculté de médecine, tout en s'assurant que la répartition géographique des médecins soit mieux équilibrée.
Inciter l'installation des jeunes médecins en zones rurales par des aides financières, des réductions fiscales, et une meilleure prise en charge de leurs conditions de travail.
Développer la télémédecine et les maisons de santé pluridisciplinaires pour permettre une prise en charge plus rapide et plus accessible.
Revaloriser les spécialités médicales sous-dimensionnées (comme la cardiologie ou la dentisterie) par des aides spécifiques, y compris la mise en place de formations incitatives pour attirer les jeunes professionnels vers ces métiers.
La situation est aujourd'hui urgente. Les politiques de santé publique doivent s’adapter à la réalité de terrain. Tant que les autorités resteront inactives face à cette crise, le fossé entre les territoires et les inégalités d’accès aux soins ne feront que se creuser.
Alors, on fait quoi les amis ?
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