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DU PAIN, DES JEUX... ET DU SANG !
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| Des pillages massifs par des excités cagoulés, des dégradations à la pelle, 700 incendies... Encore une nuit de chaos pour célébrer… un match de football ! Tous ces cris, ces pétarades, ces chauffards décervelés, ce bus pris pour cible, ces voitures brûlées, tous ces mouvements de foule, ce n'était pas une guerre, pas une révolution, pas même une victoire nationale dans une épopée historique. Non, Sir, juste une finale de Ligue des Champions. Un match entre deux villes, Paris et Milan. Ah bon !
Au réveil, le bilan est glaçant : un adolescent poignardé à Dax, une famille de quatre personnes fauchée à Grenoble, un motard de 23 ans écrasé par une voiture de supporters à Paris, un policier grièvement blessé à Coutances (à Coutances !) 600 interpellations, 300 gardes à vue. Les images diffusées sur Internet sont hallucinantes et les grands médias, les grands spécialistes au cul greffé sur les plateau de télé relativisent, minimisent, macronisent....
Le site de l'UEFA nous pète ce matin des feux d'artifice sur son site internet, le sujet est depuis deux jours omniprésents dans tous les médias comme si la France entière adhérait à cet événement. Mais non, il en est qui goûtent guère au football professionnel, qui préfèrent sans hésiter le silence aux vociférations reprises en boucle sur France Info, la marche ou la lecture, les débats raisonnés, que sais-je encore, pour ceux-là, ce spectacle a tout du délire collectif.
Qu’on aime le ballon rond ou non, il faut se poser la question : comment un loisir censé unir peut-il, aussi régulièrement diviser au point d'ensanglanter les trottoirs. Quel est cet étrange patriotisme qui pousse à s'identifier aux couleurs d'une ville à laquelle les joueurs, échangés à grands coups de millions, sont étrangers ? "On a gagné ! "On a gagné !" Mais qu'y a-t-il de rationnel dans ce sentiment de victoire par délégation !
Une photo d'Europe1 reprise à l'envi sur foule de réseaux sociaux
Car ce ne sont pas des accidents isolés. Ce ne sont pas « des brebis galeuses », comme on dit pour excuser l’inexcusable. C’est un système, une culture, une complaisance finalement pour un phénomène acquis que l'on prétend régulièrement vouloir canaliser après chaque débordement. Le football professionnel représente une industrie mondiale pesant plus de 50 milliards d’euros, alimentée par les droits télévisés, le sponsoring, les transferts records et la marchandisation massive de l’émotion populaire. résultat : des supporters ultras plus enclins à se battre qu’à applaudir. Des « célébrations » qui se traduisent par des vitrines brisées, des policiers caillassés, des quartiers entiers sous tension.
La liste des incidents liés au football professionnel tient du roman noir. Qui se souvient encore du drame du Heysel, 39 morts pour une finale ? De la catastrophe de Furiani, en France même, où une tribune s’est effondrée, tuant 18 personnes, Qui se souvient des six morts lors d'une nuit similaire en 2006 ? Aujourd’hui, se félicitent les responsables sportifs, le ménage a été fait dans les stades, mais la violence s’est déportée hors des stades, dans la rue, sur les réseaux. Ce qui revient au même. Voire en pire. À chaque grand match, les préfectures montent en alerte. On poste des CRS comme on posterait des soldats à la frontière. On observe des tirs tendus de mortier sur les services d'ordre.
Mais ce n’est pas tout. Le football professionnel, c’est aussi le théâtre quotidien d’insultes racistes envers des joueurs noirs ou arabes, de chants haineux, de saluts nazis dans certaines tribunes européennes. En 2023 encore, Vinícius Jr., joueur brésilien du Real Madrid, était traité de singe en plein match. En Italie, en Espagne, même en France, les cris de singe et les jets de bananes n’ont jamais disparu. L’indignation est ponctuelle, l’oubli immédiat.
Alors non, tout cela n’est pas un « dérapage ». C’est le miroir d’un sport devenu spectacle, argent, clanisme et virilité toxique. Les footballeurs sont adulés comme des demi-dieux, inaccessibles, payés des millions, pendant que les passions qu’ils suscitent nous les brise menu. C'est le miroir d'une société en totale déliquescence...
Que penser, donc, quand on ne vibre pas pour le football ? Un mélange de colère, de tristesse et de lassitude. Colère contre l’impunité de certains supporters. Tristesse de voir des jeunes mourir pour une soirée de ballon. Lassitude d’entendre les mêmes refrains d’indignation sans conséquence, aussitôt minimisés, marginalisés, oubliés. Jusqu'à la prochaine... "La France retient son souffle" claironne la presse à la veille d'un match international. Non, la France ne retient rien. Surtout pas les leçons. Et c'est votre France à vous. Fictive, factice, fragile et prête à exploser au moindre prétexte.
"De la joie et quelques débordements dans les rues parisiennes" titre tranquillement Ouest-France ce marin. Sur France 2, la journaliste qui vient de lancer le reportage sur les exactions commises avant même la fin du match fait la transition tout sourire avec la cérémonie qui doit avoir lieu sur les Champs-Elysées puis donne lecture du communiqué opportuniste que s'empresse de publier le plus impopulaire des Présidents de la République.
Le football devrait être une fête. Il est trop souvent un drame. Pas à cause du sport en lui-même, mais de ce que certains ont choisi d’en faire : une tribune d’excès, une arène de gladiateurs modernes. Et tant que les dirigeants du foot continueront de fermer les yeux pour préserver leur rente, tant que les gouvernements toléreront ce qui serait inacceptable dans n’importe quelle autre sphère, les sirènes hurleront encore après les tirs au but.
Alors non, désolé. Ce n’était pas juste un match, mais le reflet débridé, un de plus, de la tragicomédie humaine qui nous mène chaos.
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