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Si les Russkoffs n'étaient pas là...
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| Sur le plateau de CNews, autour de Pascal Praud, on aime à chanter "Si les Ricains n'étaient pas là, vous seriez tous en Germanie". Réalité historique ?
Les États-Unis ont joué un rôle décisif dans la victoire des Alliés en Europe occidentale, notamment via le débarquement de Normandie le 6 juin 1944 (opération Overlord) et la campagne qui a suivi, libérant la France et une partie de l’Europe de l’Ouest. Sans cet effort, il est probable que la domination nazie aurait perduré plus longtemps dans ces régions, ou que l’Armée rouge aurait avancé davantage vers l’Ouest, redessinant la carte géopolitique de l’après-guerre.
Cependant, réduire la victoire alliée à l’action américaine, comme le fait Sardou de manière caricaturale, ignore le rôle crucial d’autres acteurs, notamment l’Union soviétique.
La bataille de Stalingrad (1942-1943) est largement considérée comme le tournant de la guerre en Europe. L’Armée rouge y a infligé une défaite écrasante à la Wehrmacht, marquant le début de son reflux. À ce stade, les États-Unis n’étaient pas encore pleinement engagés en Europe (le débarquement de Normandie n’a lieu qu’un an et demi plus tard).
Avant le sursaut des Russes, certaines entreprises américaines, comme Ford, General Motors ou IBM, ont eu des liens économiques avec l’Allemagne nazie. Par exemple, Ford et GM ont produit des véhicules via leurs filiales allemandes qui ont servi à l’effort de guerre nazi, tandis qu’IBM a fourni des technologies de gestion de données utilisées pour organiser la logistique nazie, y compris dans les camps. Ces faits nuancent l’image d’un engagement américain uniformément antifasciste. Cependant, une fois les États-Unis entrés en guerre après Pearl Harbor (décembre 1941), leur effort militaire et industriel s’est massivement retourné contre l’Axe.
Mais sans la résistance soviétique, qui a mobilisé et détruit une grande partie des forces allemandes (environ 70 à 80 % des pertes de la Wehrmacht ont eu lieu sur le front de l’Est), l’Allemagne aurait pu concentrer ses ressources contre les Alliés occidentaux, rendant un débarquement comme celui de Normandie beaucoup plus difficile, voire impossible.
Les pertes humaines illustrent l’ampleur des sacrifices respectifs :
Union soviétique : environ 20 à 27 millions de morts (civils et militaires), soit près de 14 % de sa population. Le front de l’Est a été le théâtre des combats les plus sanglants.
États-Unis : environ 400 000 morts (presque exclusivement militaires), soit 0,3 % de leur population. Leur effort s’est concentré sur deux théâtres (Europe et Pacifique), mais avec une intensité moindre en termes de pertes humaines comparée à l’URSS.
Ces chiffres montrent que l’Union soviétique a porté le fardeau le plus lourd en vies humaines, ce qui relativise la centralité du rôle américain chantée par Sardou.
Sardou chante : « Vous seriez tous en Germanie. » Si les États-Unis n’étaient pas intervenus en Europe occidentale, deux scénarios sont plausibles :
Victoire nazie prolongée à l’Ouest : Sans le second front ouvert en 1944, l’Allemagne aurait pu résister plus longtemps à l’URSS, consolidant son emprise sur l’Europe occidentale. Une « Germanie » (Europe sous domination nazie) aurait pu exister temporairement.
Avancée soviétique vers l’Ouest : Si les Soviétiques avaient vaincu seuls l’Allemagne (ce qui aurait pris plus de temps et de vies), ils auraient pu pousser leur offensive au-delà de Berlin, occupant une plus grande partie de l’Europe. Dans ce cas, plutôt qu’une « Germanie », une grande partie de l’Europe aurait pu devenir un bloc communiste sous influence soviétique.
En définitive, à l'aune de la réalité historique, les paroles de Sardou exagèrent et simplifient le rôle américain pour provoquer. Propager cette thèse sur le plateau d'une chaîne qui se targue d'être la première chaîne d'information de France, c'est prendre les téléspectateurs pour des nigauds au mépris de la déontologie journalistique la plus élémentaire. Historiquement, la victoire alliée repose sur une combinaison d’efforts : la ténacité soviétique sur le front de l’Est, l’intervention américaine et britannique à l’Ouest, et la Résistance intérieure dans les pays occupés. Sans les Américains, l’Europe n’aurait pas forcément été une « Germanie » durable, mais elle aurait pu être divisée différemment, avec une influence soviétique plus étendue. La chanson n’est pas une analyse historique rigoureuse, mais une caricature qui joue sur une gratitude sélective envers les « Ricains ».
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