Titre :
La Normandie sous occupation anglaise
|
|
| L’occupation anglaise de la Normandie avant la reconquête définitive par Charles VII s’étend principalement de 1417 à 1450, soit environ 33 ans. Cette période s’inscrit dans le cadre de la guerre de Cent Ans, marquée par la conquête anglaise sous Henri V et la résistance progressive des forces françaises, culminant avec des victoires comme celle de Formigny en 1450.
Durée et modalités de l’occupation
L’occupation débute en août 1417, lorsque Henri V débarque près de Deauville et entame la conquête systématique de la Normandie. Après le siège de Rouen (1418-1419), la région tombe entièrement sous contrôle anglais en 1419, à l’exception notable du Mont-Saint-Michel, qui résiste tout au long de la période. Le traité de Troyes (1420) officialise cette domination en désignant Henri V comme héritier du trône de France, plaçant la Normandie sous une administration anglaise directe jusqu’à la reconquête par Charles VII. Cette dernière s’accélère dans les années 1449-1450, avec la campagne décisive menée grâce à une artillerie moderne et des alliés bretons, mettant fin à l’occupation en 1450.
Les modalités de l’occupation reposent sur une combinaison de contrôle militaire et d’administration civile. Les Anglais installent des garnisons dans les villes clés (Rouen, Caen, Harfleur) et maintiennent l’ordre par une présence militaire, tout en s’appuyant sur les institutions normandes existantes, comme les États du duché, pour gouverner. Henri V et ses successeurs (notamment le régent Bedford) cherchent à légitimer leur autorité en se présentant comme libérateurs d’une tyrannie française, tout en réprimant les révoltes avec fermeté, notamment dans les années 1430 dans le pays de Caux et le Bocage.
Estimation des forces occupantes
Il est difficile de donner un chiffre précis du nombre d’Anglais présents, car les effectifs varient selon les phases de la guerre et les sources historiques. Cependant, les forces militaires anglaises en Normandie sont estimées à quelques milliers de soldats dans les garnisons, probablement entre 5 000 et 10 000 hommes au plus fort de l’occupation, incluant des archers, des hommes d’armes et des administrateurs. À cela s’ajoutent des colons anglais, dont le nombre reste limité. Les historiens comme Jean Favier estiment que l’immigration normande en Angleterre (environ 65 000 personnes après 1066) dépasse largement celle des Anglais en Normandie durant cette période, suggérant une présence civile anglaise modeste, peut-être quelques centaines ou milliers de personnes au maximum.
Mariages avec des Normandes
Des mariages entre Anglais et Normandes ont bien eu lieu, mais ils semblent relativement rares au début de l’occupation. Les sources indiquent que certains soldats ou administrateurs anglais épousent des femmes locales, notamment dans les classes bourgeoises ou nobles qui collaborent avec l’occupant. Cependant, ces unions ne deviennent courantes qu’après plusieurs décennies, comme le note Ælred de Rievaulx au sujet de l’Angleterre post-1066, un phénomène qui se répète modestement en Normandie. Ces mariages reflètent une pragmatique intégration plutôt qu’une fusion massive des populations, dans un climat souvent tendu.
Langue : français ou anglais ?
Le français reste la langue dominante en Normandie sous l’occupation. L’administration anglaise utilise le français (ou l’anglo-normand, une variante dialectale) pour les documents officiels et les interactions avec la population locale, car c’est la langue de la noblesse et de l’élite, y compris anglaise. L’anglais, bien que langue maternelle des soldats et colons, ne s’impose pas dans la vie quotidienne des Normands. Il n’y a pas de transition notable vers l’anglais, la population continuant à parler des dialectes d’oïl, notamment le normand. L’occupation n’entraîne donc pas de bascule linguistique, contrairement à l’impact du normand sur l’anglais après 1066 en Angleterre.
Monnaie en cours
La monnaie officielle sous l’occupation est celle du royaume d’Angleterre, adaptée au contexte local. Les Anglais frappent des pièces en Normandie, comme des groats ou des pennies, portant souvent l’effigie d’Henri VI. Cependant, les monnaies françaises de Charles VII circulent aussi, surtout dans les zones de résistance ou après 1436, lorsque ce dernier reprend Paris. Cette coexistence monétaire reflète la dualité politique et économique de la région, les Normands devant s’adapter à un système fiscal anglais plus lourd que celui des Valois.
Vie quotidienne des Normands
La vie quotidienne sous l’occupation varie selon les régions et les classes sociales. Pour les paysans, elle est marquée par une pression fiscale accrue pour financer la guerre, poussant certains au brigandage ou à la révolte, souvent réprimée violemment. Les villes comme Rouen, sous contrôle strict, maintiennent une activité commerciale, mais les routes sont dangereuses : un Anglais isolé risque d’être attaqué ou rançonné par des Normands hostiles. Les élites (nobles, bourgeois, clergé) collaborent parfois avec les Anglais, facilitant une certaine stabilité, mais un climat de méfiance persiste.
Les Normands s’accommodent souvent par pragmatisme, sans sentiment national fort à cette époque. Des interactions quotidiennes (commerce, prêts, amitiés) se tissent avec les occupants, mais les révoltes des années 1430 et l’accueil chaleureux réservé à Charles VII en 1449-1450 montrent une lassitude croissante face à l’occupation. La discipline militaire anglaise, vantée par les chroniqueurs, limite les exactions, mais la présence de garnisons reste un fardeau.
En résumé, pendant ces 33 ans, la Normandie vit sous une domination militaire et administrative anglaise, avec une présence modeste d’occupants, quelques mariages mixtes, un maintien du français et une économie sous tension. La vie quotidienne oscille entre adaptation et résistance, jusqu’à la libération par Charles VII.
|
| |